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HIGH ALTITUDESC - PRINTS 150x120cm | 2007

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PAR CHRISTIAN CAUJOLLE

Je suis montagnard. En n, je suis un enfant de la montagne, des Pyrénées, Plus précisément des contre- forts d’une montagne qui sert de frontière, heureusement poreuse, entre la France et l’Espagne. Ce que nous, Français, nommons une «montagne à vaches». Mais attention, c’est aussi une montagne à ours, à ours qui aiment bien estourbir des moutons quand les derniers gypaètes barbus planent aux dessus d’eux, que les lizards s’échappent en bondissant comme s’ils dansaient de rocher en rocher et que planent silencieusement des au- tours qui aimeraient bien se repaître des restes. «Ma» montagne est verte, souple, sensuelle, harmonieuse. Au dessus de «ma» montagne, plus haut, là où depuis l’enfance j’ai aimé aller marcher, existe un monde d’éboulis, de pierres, de commencement du monde gardant les traces et les plis des origines du monde. Un monde minéral dont les couleurs m’ont toujours fasciné, tellement plus explicites sur la géologie et la genèse, sur la violence de la création, sur la lutte des éléments et l’altération des métaux inventant une peinture abstraite et gestuelle maniée par des géants que toutes les coupes et croquis explicatifs que l’on nous imposa à l’école.

J’ai pensé à cela, la première fois que j’ai vu les photographies d’Anna Katharina Scheidegger. Cela voulait dire qu’elles me parlaient, à moi. Alors que son somptueux et impressionnant Gotthard n’a rien à voir avec mes montagnes en miniature, j’y ai retrouvé un sentiment, sans emphase, sans aucune volonté d’esthétisation gratuite - ou intéressée - du monde que j’avais pu, ailleurs, physiquement éprouver.

Je sais bien qu’il ne s’agit pas du monde, pas du réel, que je ne vois «que» des photographies, mais tout de même. Si elle a réveillé en moi des sentiments anciens – et qui se reproduisent aujourd’hui lorsque j’en ai l’occasion - c’est qu’il y a, dans le regard d’Anna Katharina, une forme de «vérité», une authenticité qui, simplement mue par la nécessité, refusant l’exercice, le démonstratif, la froideur de frontalités qui se voudraient objectives - à la mode et marchandes - a quelque chose d’universel.

Nous sommes, évidemment, impressionnés (tiens, un terme ancien de la photographie...) par ces organisations de masses (au sens physique et formel du terme) qui nous écrasent de leur immensité autant que de la concrétion du temps qu’elles signifient. Et nous savons qu’elles sont effectivement dangereuses. Dangereuses peut-être comme tout ce qui nous fascine pour mieux nous engloutir.

Depuis les origines de la photographie des opérateurs ont attesté de l’emprise que la montagne a exercée sur eux. Mais ici, outre que la pertinence – non décorative et néanmoins non descriptive - de la couleur nous plonge dans un univers retrouvant dans la nature des rythmes des coulures de l’abstraction, c’est nous qui sommes en jeu. Nous parce que, au milieu du chaos en équilibre, a dessous du surplomb, dans la faille d’un pli, entre les feuilletages de couleurs et de strates et seulement si nous faisons l’effort de «vraiment» regarder, nous découvrons un habitât un havre, une minuscule construction voulue et mise en oeuvre par l’homme. Un artefact greffé là, dans l’hostilité minérale d’un monde qui naquit, brûlant, il y a des millions d’années. J’ai, à les regarder, envie de me perdre dans ces images et d’avoir la sublime surprise d’y trouver un refuge.

Pas de lyrisme, pas de romantisme, pas de froideur, pas de démonstration. Simplement, cadeau du regard, ce sentiment, qui pourrait nous sauver, que, au milieu des blessures et des aspérités, des roches coupantes et des blocs en déséquilibre, l’homme, à défaut de vraiment pactiser avec une nature avec laquelle il renonçait à lutter, fut capable d’inventer de minuscules espaces pour se préserver. Même si ce fut difficile, c’est rassurant. Et c’est beau, parce qu’apaisant dans une tourmente originelle et sans fin.

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